J'amène aujourd’hui cet article de la sexualité des femmes car, de mon expérience, ce sont le plus souvent elles qui sont amenées à consulter pour ce type de problématiques et ce sont elles qui, selon les clichés et les standards de la société, auraient le plus de mal à maintenir une appétence pour les relations sexuelles avec leur partenaires, en particulier dans les couples monogames hétérosexuels. Cette idée est tellement tenace qu'elle s’étend même aux activités entre femmes avec le fameux "Lesbian bed death", théorie selon laquelle les couples lesbiens seraient les moins enclins à avoir des rapports au lit, puisqu’aucune n'est désirante ni ne stimule. La plupart pense avoir un problème ou ne pas être "normale". Alors, ce manque de libido chez la femme est-il un mythe ou une réalité ?
Par la psychanalyste Ines Perrot
Ines Perrot, Ines Perrot, est une thérapeute française exercant à Lyon dans un cabinet pluridisciplinaire.
Grâce à ses outils que sont la psychanalyse, la psychothérapie et l'hypnose, elle accompagner toutes les personnes qui en ressentent le besoin sur la voix du changement et du mieux-être.
Que désigne t-on par "libido" ?
Tout d’abord, j'aimerais prendre un instant pour redéfinir le concept de libido, aujourd’hui très galvaudé et employé à tout bout de champ. Dans la psychanalyse, la libido est une définition centrale qui désigne une pulsion de vie qui nous amène à avancer afin d'accéder à ce que l'on désire. Elle peut être une énergie créatrice, de conservation et bien sûr, plus proche de son sens classique, sexuelle.
La plupart du temps, quand je reçois ces femmes au sein de mon cabinet, je réalise que le premier travail à effectuer est celui de la déconstruction des clichés. La réalité est que, comme pour beaucoup de choses, tout le monde fonctionne différemment et chacune doit respecter son rythme: les "il faut le faire tant de fois par semaine" ou "ce n'est pas normal" n'ont pas lieu d'être. Quelle est la norme ? Quels sont les critères ?
En vérité, le sujet de la libido peut se montrer vaste et complexe et est loin de se résumer à la seule sexualité car de nombreux autres facteurs entrent en compte. En d’autres termes, la libido est avant tout une question de désir qui varie selon l’état d’esprit du moment, la charge mentale de la vie personnelle ou professionnelle, la relation avec son ou sa partenaire ou encore le rapport à son corps. L’histoire de vie a aussi très souvent un rôle à jouer quant à la capacité de chacun à s’offrir à l’autre ou de pouvoir lâcher prise.
Il n’y a pas de mode d’emploi ou de technique toute faite pour se reconnecter à sa libido mais si vous vous sentez concernée, je vous amène ici quelques pistes de réflexions.
Les causes
En parlant avec mes patientes aussi bien qu'avec mes amies, je réalise souvent que, bien que l'on se voile la face, la relation avec le conjoint est souvent en jeu. Qu'il s’agisse de quelque chose de récent ou de plus ancien, il y a presque toujours, à un moment donné, un problème de rupture de confiance ou un manque de communication qui creuse le fossé de la compréhension entre les partenaires qui se renferment chacun de leur côté.
Par exemple, une tromperie à un moment qui a brisé l'intimité que la "personne victime" ne se sent plus de partager. Parfois c’est encore une question de besoins : "Il ne sait pas comment me faire plaisir mais je n’ose pas lui dire que ce que nous faisons ne me plait pas ou ne me convient plus". Ce n’est pas toujours simple d’échanger sur ce sujet mais c’est indispensable pour pouvoir avancer ensemble et tenir compte des changements : ce qui plaît à un instant est toujours susceptible d’évoluer.
Les changements physiologiques sont également une vraie variable qu’il faut cesser de considérer comme une excuse. Les variations dans le cycle menstruel, les hormones, la pilule, une grossesse ou tout simplement l’âge sont autant de facteurs qui vont modifier le corps de la femme et entrainer chez elle des perceptions et des sensations nouvelles. Le corps ne sort pas indemne de ce qu’il traverse et cela, encore, doit être respecté et pris en compte.
De plus, l’aspect psychologique, à la fois en lui-même mais aussi dans ce qu’il engendre sur le corps, a un impact considérable sur le désir et les envies de toucher ou d’être touché. Pour certains, le sexe peut avoir un rôle de décharge considérant que cela fait partie de leur besoins pour se détendre et se sentir bien alors que d’autres ont, au contraire, besoin que toutes les conditions soient réunies (être bien physiquement et mentalement) pour pouvoir s’engager dans une activité sexuelle.
Quelles solutions ?
Les préliminaires et la masturbation
Souvent, le plus difficile est de recréer de l’intimité avec l’autre et la pénétration peut sembler un trop grand pas, d’autant qu’elle est loin d'être la seule façon de "faire l’amour" avec quelqu’un. Les préliminaires plus ou moins longs et plus ou moins poussés sont une première étape : baisers, caresses, massages, douches en duo, masturbation mutuelle ou sexe oral, laissez-vous porter par ce qui vous plaît pour trouver à nouveau l’excitation.
On néglige également bien trop souvent les bienfaits de la masturbation en solitaire mais c’est un excellent moyen de se reconnecter à ses envies. Explorer cette sphère, c’est s'autoriser d’abord à prendre du plaisir avec soi et pour soi, sans l’intermédiaire de l’autre, mais aussi d’en connaître davantage sur ses sensibilités et pouvoir ainsi guider son partenaire dans des moments complices à deux.
La séduction !
Ce n'est pas parce qu'on est en relation avec quelqu'un qu'on devient désirant en tout lieu et en tout temps. Il est même assez normal de se lasser et de ne plus trouver d'excitation dans une situation qui devient routinière et sans nouveauté. On parle souvent de mettre du piment, de se réinventer : mais si on commençait déjà par recréer ce qui nous a fait vibrer au départ ? Se faire beau ou belle, allumer l'autre par nos paroles, regards, attitudes, se donner des rdv … etc.
Autant de choses qui se perdent au fil du temps et qui nous laissent à penser qu'il y a un problème alors que la baisse de désir face au manque de stimulation est parfaitement naturelle. On pourrait comparer le désir au reste de nos passions ou envies pour rendre le phénomène évident : si j'aime la musique classique mais que je vais toutes les semaines voir jouer le même orchestre, au même endroit, accompagné des mêmes personnes, je vais rapidement perdre l’intérêt que je lui portais.
Les femmes qui consultent pour ce type de sujet me rapportent souvent le fait que leur partenaire manque de gestes et de tendresse envers elle et elles en viennent à ne plus apprécier le contact car elle savent que lorsqu'il devient câlin, c'est "qu'il a quelque chose d'autre en tête". Le tactile est pourtant essentiel pour conserver l'intimité et créer le désir.
Communiquer ses envies avec son partenaire
La plupart du temps, ce manque de désir crée des tensions dans le couple. L’autre ne se sent plus désiré, mal aimé et rejette la faute sur l’autre. Ouvrir le dialogue permet de débloquer la situation en expliquant le pourquoi et de trouver les clés pour changer la situation. S’il vous est difficile de parler ou qu’il y a une difficulté majeure, il est bénéfique de consulter un thérapeute de couple qui fera tiers et vous aidera à trouver les mots.
Pendant l’acte, il est également bienvenue d’exprimer son plaisir mais aussi d’interagir : guidez-vous avec la voix, le mains, des suggestions, des mots coquins…
L’idée est de déstigmatiser le sexe et de le sortir de la zone de la gène ou du tabou pour en faire un moment de partage et de fun.
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Malgré les évolutions, nous sommes encore bien trop ancrés au sein d’une dynamique sociale dans laquelle la femme "subit" et "accepte" l'acte sexuel dans une forme de passivité et ou elle n'est pas maîtresse de ses désirs et ses envies.
Les femmes ont souvent peur de l'image que cela pourrait donner d'elles à leur conjoint : fille facile, salope … Alors on se tait, et on suit ce que le partenaire désire. A force de se forcer, la femme se dégoûte du sexe et redoute le moment ou son partenaire va créer les conditions. Il faut reprendre le contrôle.
Si le trouble est plus personnel et s’inscrit dans un parcours douloureux (violences, abus, traumas) il est conseillé de contacter un thérapeute pour travailler sur ses angoisses et blocages qui empêchent cette sexualité épanouie. Cependant, dans ce dernier cas, la démarche doit rester volontaire et personnelle et en aucun cas n'être poussée par le conjoint ou un tiers.
Retrouver sa libido c’est d’abord se retrouver soi et se respecter dans son corps, ses envies et sa personne tout entière.
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